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Les staphylins, carnivores polyphages

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SPECTRE D’EFFICACITÉ ET CULTURES ENVISAGEABLES

- Proies : les staphylins sont des prédateurs polyphages (ou généralistes) surtout rencontrés dans les écosystèmes terrestres. Les larves et adultes des espèces de grande taille chassent des proies qui vivent­ dans l’horizon de surface du sol : gastéropodes (escargots, limaces), œufs, larves (chenilles, taupins…), collemboles, acariens, nématodes et autres invertébrés. Les adultes de petite taille, parfois bons voiliers (Amischa, Atheta, Oligota, Oxytelus, Tachyporus) ou portés par le vent sur de longues distances, sont actifs dans les colonies d’acariens phytophages. Les espèces minuscules sont principalement détritiphages, saprophages, coprophages et mycophages. Si, après les Curculionidae (charançons), les Staphylinidae forment la deuxième famille de coléoptères la plus abondante dans le monde avec 58 000 espèces, plus de 2 000 en Europe et 1 480 en France, ils ne sont pas pour autant très développés en biocontrôle. Parmi celles retenues figurent Dalotia (= Atheta) coriaria, utilisée contre les mouches des terreaux (Sciaridae, Ephydridae), et Tachyporus, permettant de réguler les populations d’acariens nuisibles. Plusieurs espèces spon­tanées s’activent lorsque les proies sont abondantes, comme Oligota flavicornis, rencontrée dans toute l’Europe, souvent liée aux pullulations de tétranyques (Eotetranychus populi, Tetranychus urticae) dans les cultures. Outre les acariens phytophages, cet insecte entièrement noir, de 1 mm de long au stade adulte, avec les antennes et l’appareil buccal jaunes et les pattes brun rougeâtre, s’attaque aussi aux thrips, aux aleurodes et aux œufs de pucerons. Une espèce plus courante de mars à octobre est le staphylin noir ou staphylin odorant (Ocypus olens). Il a un corps pubescent noir mat (à l’exception de deux organes blancs et odorants situés à l’extrémité de l’abdomen, exhibés en cas de danger) de 2 à 3 cm de long. C’est le plus gros staphylin de France, aussi bien prédateur que nécrophage, consommant des cadavres, limaces, escargots, œufs, chenilles (carpocapses, noctuelles, tordeuses) et pupes de la mouche de l’olive.

- Principales cultures concernées : les staphylins fréquentent des plantes très variées en termes d’espèces et de strates de végétation (herbacée, arbustive, arborescente). La richesse spécifique augmente proportionnellement à la durée de croissance d’une culture. Pour favoriser la présence et l’activité de ces auxiliaires, il est souhaitable de privilégier un système de culture intégré ou agrobiologique, associé à des infrastructures appropriées en bordures de parcelles (zones herbeuses, pierreuses, fossés, pièces d’eau, talus, haies vives, bosquets…) et à de bonnes pratiques (amendements et paillis organiques, travail superficiel du sol, traitements phytosanitaires compatibles…).

- Comportement : les staphylins vivent de préférence dans les haies, espaces verts, forêts et zones agricoles peu perturbées par les façons culturales, les apports d’engrais azotés et phosphorés (NP) et les insecticides à large spectre. Ils se réfugient dans les composts ou les cadavres d’animaux. Quelques espèces fréquentent les fleurs, se nourrissant de pollen. La plupart chassent la nuit et se tiennent le jour sous des pierres, des matières organiques en décomposition ou autres niches écolo­giques. Les larves chassent à l’affût, tandis que les adultes courent sur le sol. Ocypus olens, surnommé « le diable », écarte les mandibules et redresse son abdomen tel un scorpion lorsqu’il est menacé, pour projeter une odeur plutôt désagréable par l’anus, ce qui lui a valu son nom de staphylin odorant.

- Efficacité : participant activement à la prédation d’invertébrés et à la dégradation des matières organiques, les staphylins sont des auxiliaires importants dans les milieux cultivés. L’espèce la plus uti­lisée pour le biocontrôle en France est Dalotia (= Atheta) coriaria. Son efficacité reconnue contre les mouches des terreaux et les mouches des rivages (Bradysia, Sciara, Scatella), ainsi que les pupes de thrips, est appréciée en production horticole de jeunes­ plants. Le cycle biologique (œuf à adulte) dure de quinze à vingt et un  jours. Les adultes sont très mobiles entre 10 et 35 °C et ont une durée de vie d’environ trois semaines à 21 °C. Une fois fécondées, les femelles pondent huit à dix œufs par jour pendant deux semaines. Chaque Dalotia va consommer dix à vingt proies par jour. Lors d’une introduction par lâcher, il faut compter un staphylin par mètre­ carré en préventif ou 2 à 10 sujets/m2 en curatif. On optimise l’utilisation de D. coriaria contre les Sciaridae et Ephydridae en l’associant à d’autres auxiliaires : néma­tode entomopathogène Steinernema feltiae (associé à la bactérie Xenorhabdus), acariens prédateurs (nymphes et adultes) tels que Stratiolaelaps scimitus (= Hypoaspis miles) et Macrocheles robustulus.

CYCLE, CONDITIONS DE DÉVELOPPEMENT

- Morphologie : compte tenu de la richesse spécifique élevée des staphylins, il existe une grande variation de taille entre les petites espèces et les plus grandes. L’identification des spécimens est souvent dif­ficile et requiert la compétence d’un laboratoire d’entomologie.

- Adulte : un corps mou, élancé, parfois ovoïde, en trois parties (tête, thorax, abdomen), de couleur plutôt foncée, jaune, brun rougeâtre, marron ou noire, longueur de 1 à 40 mm selon les taxons, trois paires de pattes. Les élytres courts ne recouvrent en général que les deux premiers segments abdominaux, au maximum un tiers de l’abdomen. Celui-ci, long, flexible, relevé pendant la marche ou en réaction de défense lorsque l’in­secte est inquiété, se termine par de petits prolongements. Malgré la brièveté des élytres, les ailes des staphylins sont parfaitement conformées, plusieurs fois repliées sur elles-mêmes et permettent à la plupart des espèces de voler très correctement. Les deux antennes filiformes comprennent onze segments, rarement neuf ou dix. Chez certains genres, l’extrémité des antennes est un peu élargie en forme de massue. Les pièces buccales sont de type broyeur.

- Œuf : généralement blanc, sphérique ou pyriforme.

- Larve : forme allongée, cerques au bout de l’abdomen, relativement similaire aux larves de Carabidae. Chez les staphylins, la patte de la larve est constituée de cinq segments et terminée par une seule griffe, alors que chez la larve de carabe, elle est segmentée en six parties et se termine par deux griffes.

- Nymphe : sclérifiée, brun clair ou brun orangé. Chambre nymphale soyeuse.

- Observation : on rencontre les formes mobiles de staphylins de mars à octobre, mais plus fréquemment de mi-mai à mi-juillet, notamment lorsque l’hygrométrie est élevée. Ces insectes affectionnent les habitats plutôt abrités de la lumière et ont grand besoin d’humidité : débris végétaux en décomposition, litière organique, collet des plantes, etc. Comme pour les Carabidae, l’un des meilleurs moyens pour les inventorier dans un milieu et suivre leur dynamique de population est de les piéger avec un ou plusieurs pots Barber espacés de quelques mètres. Ce piège est composé d’un gobelet en plastique enterré au ras du sol, contenant un tiers d’eau, du sel (pour éviter un développement microbien) et quelques gouttes de mouillant (liquide vaisselle sans parfum) pour noyer les individus capturés. Il est surmonté d’une petite plaque en Plexiglas jouant le rôle de parapluie. Le lieu de piégeage est piqueté. On relève les prises chaque semaine à fréquence régulière (pendant au moins huit semaines pour avoir une information intéressante). Les insectes piégés sont prélevés et le contenu du gobelet est renouvelé.

- Cycle biologique : pour un grand nombre d’espèces de staphylins, le cycle de vie est assez mal connu. Ce sont des insectes à métamorphose complète, qui vont se développer en quatre stades successifs : œuf, larve­, nymphe, adulte (imago). En plein air, les femelles adultes pondent généralement leurs œufs dans le sol au printemps. Après l’éclosion, les larves muent à plusieurs reprises avant de se nymphoser, pour donner un adulte au bout de quelques semaines.

Jérôme Jullien

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